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Dé-conjugaliser l’AAH : pour le gouvernement c’est non !

Mise en ligne 18/02/2021 Actualités Vos droits Handicap Santé

Sophie Cluzel a proposé la création d’une mission placée sous l’égide de parlementaires tout en rappelant les impératifs budgétaires. La proposition de loi devrait être examinée le 9 mars prochain au Sénat.

Revenus du conjoint
La pétition signée sur la plateforme du Sénat pour réclamer la suppression de la prise en compte des revenus du conjoint a accéléré l’examen par la chambre haute de la proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale. Dont la revendication portée par cette pétition.

Dé-conjugaliser
Celle-ci comporte trois points :

  • supprimer la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l'allocation aux adultes handicapés (AAH)
  • et de la majoration de son plafonnement (art. 3) ;
  • reporter la barrière d'âge de 60 ans pour solliciter le bénéfice de la prestation de compensation du handicap (art. 4).

Sophie Cluzel
Le Sénat a reçu ce jeudi matin, 18 février 2021, la secrétaire d’Etat chargée des Personnes handicapées, Sophie Cluzel. La présidente de la Commission des affaires sociales du Sénat, Catherine Deroche, a rappelé que les sénateurs avaient déjà rejeté une telle proposition. Elle a souligné, en outre, que le ministère concerné n’a pas été capable de chiffrer l’impact d’une telle réforme. Et qu’il manquait une étude d’impact digne de ce nom.

Pour le gouvernement c’est non !
Sophie Cluzel, qui en a convenu, a fait savoir son opposition à ce projet. Mais les échanges qu’elle a eus, avec, notamment, le sénateur Mouiller, a eu le mérite de poser le débat et d'expliciter les arguments.

Impératifs budgétaires
La secrétaire d’Etat a d’emblée brandi l’argument financier : « 51 milliards sont déjà consacrés à l’amélioration et à la simplification du quotidien des personnes handicapées ». Cette proposition de loi représenterait, selon elle, un surcoût de 20 milliards d’euros de dépenses nouvelles.

Solidarité
Par ailleurs, elle a souhaité rappeler les fondamentaux de notre système de solidarité. « Les allocations font partie de notre contrat social fondé sur l’équité des charges entre les foyers, l’AAH est une allocation bâtie sur ce droit commun qui répond à ces principes. » Et « l’AAH a été créée afin d’assurer des conditions de vie dignes aux personnes en situation de handicap dont les ressources sont les plus faibles ». Après avoir souligné que le « foyer est la cellule protectrice de notre société, la solidarité nationale doit s’articuler avec les solidarités familiales » et que la « solidarité entre époux » est inscrite dans le code civile, la ministre s’est inquiétée du fait que « cette proposition de loi » ferait « sortir du droit commun les 1,2 million de bénéficiaires de l’AAH. En individualisant une allocation sans conditions de ressources, ce qui n’existe dans aucun autre pays dans le monde,  nous réduisons à néant le fondement de notre solidarité. »

Création d’une mission
« Nous ne pouvons demander légitimement que les personnes en situation de handicap soient des citoyens à part entière s’ils ne s’inscrivent pas dans les dispositifs mêmes de notre contrat social basé sur ce droit commun », a conclu la ministre. Avant de rappeler que les bénéficiaires de l’AAH bénéficient notamment d’un « plafond réhaussé et protecteur » dans le cadre de son calcul. «  Nous devons dès lors être pragmatiques et réalistes. Et regarder qui seraient les gagnants ou les perdants d’une telle réforme. » Tout en se disant ouverte à un débat, Sophie Cluzel propose la création d’une mission placée sous l’égide de parlementaires qui « nous permettrait d’avancer plus vite dans la simplification et l’articulation des dispositifs existants, dans l’approfondissement de l’étude d’impact. Et pour assurer un soutien plus efficace et équitable aux personnes en situation de handicap ».

Femmes victimes
Sur la situation des femmes victimes de violence, Sophie Cluzel précise qu’en cas de changement de situation familiale, les ressources ne sont plus prises en compte dans le calcul de l’AAH dès que cette situation de violence est avérée. « Cela s’applique bien sûr en cas de séparation suite à des violences conjugales. Les femmes n’ont pas à justifier de leur situation, c’est leur séparation qui est prise en compte. Dans ce cas, la Caf s’engage à traiter en priorité, 10 jours au plus tard, leur dossier. »

AAH
En réponse, Philippe Mouiller, vice-président de la commission des affaires sociales, rapporteur de cette proposition de loi qui devrait être examinée le 9 mars prochain, et désigné pour étudier un nouveau mode de calcul de l’AAH, a dressé le portrait, selon lui de cette allocation. Elle est « à la fois considérée comme un mimima social, mais, en même temps, c’est une allocation de compensation par rapport à des gens qui sont éloignés de l’emploi. Et là on tombe dans la compensation liée à la spécificité du handicap. »

Compensation
Par ailleurs, ce sénateur rappelle que le gouvernement, ayant fait le choix de sortir l’AAH du revenu universel, a admis implicitement qu’il ne s’agissait pas d’un minimum social. Projet refusé par de nombreuses associations. Et le gouvernement a également fait le choix de créer la 5e branche, fait-il valoir. « Dans cette nouvelle branche de la Sécurité sociale, on y trouve la compensation. » La demande formulée dans la pétition, poursuit le sénateur, est une « demande de soutien à l’autonomie individuelle au moyen d’une prestation, en l’espèce,  de compensation, notamment pour ceux et celles qui sont le plus éloignés de l’emploi. »

Prestation
Ne peut-on imaginer que cela donne une orientation différente et unique de l’AAH ? Pourrait-on dans ce cas rapprocher l’AAH d’autres prestations de compensation existantes ?, interroge-t-il. Et de demander l’avis de la secrétaire d’Etat sur la proposition du rapport Vachey, suggérant de « loger l’AAH dans la branche Autonomie ». « Cela mettrait la nouvelle branche dans la difficulté, en raison de son coût », a répondu sans détour Sophie Cluzel.

Pierre Luton
© D.R.

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